Ghani Kolli, président du Conseil de Développement Canada Algérie (CDCA) à Ecotimes : « Notre but est de hisser le commerce algéro-canadien à un niveau supérieur »
Fraichement élu en tant que président du Conseil de Développement Canada Algérie (CDCA), Ghani Kolli, cet Algérien installé au Canada, compte contribuer au développement des relations entre le Canada et l’Algérie. Déjà versé dans le milieu des affaires et de l’entreprenariat depuis son jeune âge, le nouveau président du CDCA veut marquer de son emprunte, le mandat qui lui a été confié par les membres du CDCA. Dans cet entretien qu’il nous a accordé en exclusivité, ce dernier est revenu sur plusieurs dossiers relatifs à la coopération algéro-canadienne. Ecoutons-le.
Entretien réalisé par notre correspondant à Montréal Salah Benreguia
Ecotimes : Vous venez d’être élu président du Conseil de Développement Canada Algérie (CDCA). De prime abord, qui est Ghani Kolli ?
Ghani Kolli :Lorsque j’étais encore au lycée et à l’université, je m’impliquais déjà dans les aventures entrepreneuriales familiales, puis à 24 ans, j’ai créé ma première entreprise de distribution commerciale d’une technologie canadienne en Algérie puis au Maroc, ce qui m’a amené à développer mes habiletés en affaires, tout en continuant à me former constamment. En 2006, j’ai été élu vice-président du Business Club algéro-canadien qui regroupait une cinquantaine d’acteurs économiques des deux pays. C’était donc, tout naturellement, que j’ai eu cette volonté de m’impliquer dans les relations économiques entre le Canada et l’Algérie en arrivant à Montréal en 2011. Le Conseil de développement Canada-Algérie devenait la continuité logique de cette volonté.
Pouvez-vous présenter le CDCA à nos lecteurs ?
Le Conseil de développement Canada-Algérie se veut un espace de promotion des relations bilatérales entre le Canada et l’Algérie. Au-delà des échanges commerciaux que le CDCA souhaite faire rehausser à leur plein potentiel encore non atteint, la véritable richesse réside dans cette diaspora algérienne établie au Canada qui, comme chacun le sait, est un pont naturel entre les deux pays. On s’attelle à mobiliser ces professionnels et chercheurs dans différents domaines, en plus des entrepreneurs et chefs d’entreprises qui n’attendent que le climat des affaires pour leur permettre d’exprimer leur attachement à la mère-patrie en contribuant avec des projets concrets et porteurs. Les Canadiens souhaitant explorer ou renforcer leur positionnement en Algérie et profiter de sa situation géostratégique trouvent au CDCA un guichet unique leur permettant d’apprendre à appréhender ce marché et gagner en efficacité pour une implantation réussie.
Nous demeurons, aussi, cet interlocuteur privilégié des décideurs économiques et institutionnels des deux pays quand il s’agit d’identifier, d’explorer et de mettre en place des projets de coopération.
Quels sont les objectifs que vous vous êtes fixés durant votre mandat à la tête du CDCA ?
Trois axes principaux guident notre action future pour accompagner l’Algérie grâce à l’expertise canadienne dans sa :
- Transformation et diversification économique ;
- Transition et efficacité énergétique ;
- Développement d’écosystèmes de PME et de Startup innovantes ;
Il est évident que des enjeux transversaux tels que la bonne gouvernance et le climat des affaires, le numérique et la modernisation de la finance, le développement durable, le rehaussement des compétences et des talents, le rôle de la diaspora, entre autres, sont indispensables à la réussite des axes principaux cités plus haut.
Aussi, je crois qu’il est temps de concrétiser des collaborations avec des partenaires de qualité soit au Canada ou en Algérie pour mener à bien des projets communs et mutualiser les efforts. Le Canada-Arabe Business Council et La Fondation Club Avenir au Canada, ainsi que le Think Tank économique CARE en Algérie sont des exemples de cette approche partenariale que nous souhaitons accélérer.
Enfin, nos membres et contributeurs sont la pierre angulaire de notre action. Je veux rendre hommages à toutes celles et tous ceux qui ont cru en cette organisation dès sa création en 2016 et ont œuvré et continué à le faire, pour démontrer le plein potentiel de cette relation si particulière entre le Canada et l’Algérie. Je suis chanceux d’être entouré de personnes de qualité et je lance un appel aux professionnels, entrepreneurs et chefs d’entreprises des deux rives pour se rapprocher du CDCA en vue de s’impliquer.
Pouvez-vous faire un état des lieux relations économiques algéro- canadiennes ?
En un mot, je dirais que le potentiel est énorme. Nous travaillons à ce que les relations commerciales, évaluées en 2018 à plus de 778,4 millions de dollars,puissent passer au niveau supérieur. L’Algérie était l’un des principaux partenaires commerciaux du Canada sur le continent africain, et les exportations algériennes représentent majoritairement des produits du secteur de l’Energie et des produits alimentaires. Les relations algéro-canadiennes sont excellentes comme l’atteste, entre autres, l’alignement en matière de vision liée aux questions de sécurité.
Quel constat faites-vous des relations économiques entre le Canada et l’Algérie en cette période de pandémie Covid-19 ?
Du fait que des missions commerciales et économiques n’ont pas pu avoir lieu, et que des visites officielles aient été impactées grandement, les relations et certains dossiers ont, certes, connu une lenteur sans que cela soit préjudiciable, vu que c’est à peu près la même situation qui prévaut partout ailleurs. Nous avons confiance dans le fait que le virtuel qui commence à gagner du terrain et la reprise des visites et missions commerciales auront pour effet de rattraper cette situation et redynamiser les relations pour encore de meilleurs horizons.
Comptez-vous, une fois que la situation relative à la COVID-19 le permettra, organiser des missions d’affaires dans les deux sens ?
Justement, même en attendant la fin des restrictions de déplacement, nous comptons bientôt mener des actions virtuelles pour répondre aux différentes demandes de nos membres et partenaires dans les deux rives. Cela nous fait réaliser que cet aspect virtuel est d’ailleurs pour perdurer même en post COVID-19, ce qui peut constituer, vu la distance entre les deux pays, un atout pour l’avenir des relations bilatérales.
Combien d’entreprises canadiennes opèrent actuellement en Algérie ? Quelle est la situation actuelle de ces entreprises engagées dans des projets en Algérie ? Y-a-t-il des secteurs qui ont été particulièrement touchés par la crise du COVID-19 ?
Selon nos collègues des services commerciaux de l’ambassade du Canada à Alger, il y a une soixantaine d’entreprises canadiennes qui font des affaires en Algérie, et leurs activités sont essentiellement dans les produits alimentaires de base, la formation, les services d’ingénierie mais aussi les technologies et l’aérospatial ainsi que dans les activités du secteur minier. La crise de la COVID-19 a, certes, généré son lot de défis mais aussi d’opportunité du fait que certains secteurs connaitront sans doute plus d’essor, vu l’adoption du marché algérien de nouveaux modes de travail, de communication et de consommation. Je pense, notamment, à la finance, le commerce en ligne et la formation à distance.
Y-a-t-il des entreprises algériennes qui se sont installées ici au Canada ?
Oui, surtout des entreprises de distribution de produits provenant d’Algérie et quelques entreprises algériennes qui tentent l’aventure au Canada, en collaboration avec des membres de la diaspora pour pouvoir exporter des services ou explorer le marché canadien. C’est bien en deçà du potentiel d’export de produits et services d’Algérie vers la Canada. Je pense, notamment, à l’importation des services à la clientèle, des services de conception assistée par ordinateur et de développement logiciel.
Comment voyez-vous les opportunités d’affaires ici au Canada ?
Autant le climat des affaires est favorable autant la compétition est rude dans pas mal de secteurs. Il reste qu’il est toujours possible de se faire une place en se différenciant et en misant sur les avantages de l’écosystème d’entrepreneuriat et d’innovation. Créer des projets qui ciblent intentionnellement l’export vers le Maghreb en général et l’Algérie en particulier, demeure une piste intéressante à explorer. C’est d’ailleurs le cas typique que nous observons sur le marché.
En Algérie, certains hommes et femmes d’affaires avaient, dans le passé, reproché aux institutions diplomatiques algériennes à l’étranger de ne pas jouer le jeu dans le processus d’exportation et d’investissement à l’international ainsi que dans la vulgarisation des opportunités que représente le marché algérien…. En tant qu’entrepreneur et président du CDCA, quelle évaluation faites-vous de notre représentation diplomatique ?
Sur le terrain, l’enjeu se situe ailleurs et il faut regarder la réalité en face. En Algérie, l’export, le développement des activités à l’international, mais aussi faire valoir l’Algérie comme destination d’affaires et d’investissement a été freiné par divers éléments, comme par exemple, la règlementation, entre autres. Néanmoins, nous commençons à entrevoir un changement de posture qui nous donne l’espoir d’une libération franche et assumée des initiatives. À mon avis, une fois ce pas franchi, les représentations diplomatiques joueront, en continuité avec la stratégie du pays, pleinement leur rôle, et surtout en collaboration avec des organisations, telles que le CDCA qui jouit d’un positionnement particulier qui lui permet une certaine agilité, malgré le peu de ressources dont elle dispose.
Travaillez-vous avec le service commercial de l’ambassade d’Algérie au Canada et celle du Canada en Algérie ?
Absolument et de façon périodique. Les deux ambassadeurs étant membres honoraires de notre organisation, nous avons une étroite collaboration avec les services des délégués commerciaux à Alger et du service économique à Ottawa et consulaire à Montréal. Je tiens à remercier d’ailleurs nos partenaires qui ne ménagent aucun effort pour nous appuyer dans notre mission. Nous sommes amplement satisfaits de la qualité du partenariat qui existe entre nous ce qui nous responsabilise tous d’ailleurs à aller de l’avant pour concrétiser encore plus de projets de coopération.
La communauté algérienne est présente en force au Canada après la France. Cependant, les Algériens d’ici sont-ils enclins pour le milieu entrepreneurial ?
Sur le plan du climat des affaires, il est évident que le potentiel est fort intéressant. À se demander d’ailleurs pourquoi l’entrepreneuriat n’est pas autant développé qu’on l’aurait pensé au sein de la communauté canadienne d’origine algérienne. Quelques recherches ont tenté d’élucider la question et je crois qu’il reste du travail de sensibilisation, à faire, et même d’accompagnement des aspirants-entrepreneurs canadiens d’origine algérienne.
Parmi les mesures phares prises par le nouvel exécutif en Algérie, la suppression de la loi dite des 51/49 sur les secteurs non stratégiques. Quelle lecture en faites-vous et comment cela a été perçu du côté des entreprises canadiennes?
C’est une mesure qui a longtemps été attendu. C’est fait. Maintenant, ce n’était pas la seule entrave à l’investissement au point de s’en réjouir totalement. Je pense qu’il devrait y avoir une libération complète de l’espace et du jeux économique aux acteurs privés au même titre que ceux du public et de façon équitable et transparente, tout en continuant à protéger les ressources précieuses du peuple algérien et se diriger vers une gestion rationnelle et saine deces ressources, en définissant clairement ce que sont les secteurs dits « stratégiques ». Aussi, en clarifiant les règles et incitatifs visant une stabilité du cadre d’investissement aux acteurs nationaux au même titre qu’aux acteurs internationaux, Souvent, c’est en regardant le traitement réservé aux investisseurs et entrepreneurs locaux qu’un pays donne le signal aux investisseurs étrangers.
Source : Eco Times