C’est en sirotant un café dans l’ambiance populaire du fameux quartier «Le petit Maghreb» pour d’autres le «Maghrebtown» situé dans la métropole du grand Montréal que nous avons engagé notre entretien avec le président du Conseil de développement Canada-Algérie qui n’est autre que Mustapha Ouyed, dont l’objet de notre discussion a eu pour fil conducteur les défis et les perspectives du CDCA. L’homme, qui est un pur produit de l’école nationale polytechnique d’Alger, croit dur comme fer que les relations économiques et commerciales entre les deux pays ont besoin d’un souffle nouveau susceptible de les redynamiser. Cela fait partie des missions du CDCA.
INTERVIEW REALISEE PAR RABAH KARALI

LE CONSEIL DE DÉVELOPPEMENT CANADA-ALGÉRIE A ÉTÉ MIS EN PLACE EN 2016 POUR LA PROMOTION DE LA COOPÉRATION ÉCONOMIQUE ENTRE LE CANADA ET L’ALGÉRIE. QUEL BILAN PEUT-ON TIRER DE CETTE RÉCENTE EXPÉRIENCE ?
Je dirai que le bilan est très positif, à telle enseigne qu’on a dépassé le succès enregistré de cette première année d’exercice. Actuellement, nous sommes en train de voir comment prioriser certaines activités par rapport à d’autres. Le Conseil de développement Canada-Algérie a pris une place qu’il mérite parce qu’audelà du travail individuel accompli, on s’est aperçus qu’il existe un réel besoin de consolidation des relations économiques et commerciales entre les partenaires. Il se trouve aussi qu’entre-temps, nous avons eu en retour énormément d’échos en réponse aux initiatives que nous avons entreprises durant une période
qui, ma foi est très courte. A mon avis, à ce stade de notre parcours nous avons seulement touché au sommet de l’iceberg de tout ce qui est possible d’entreprendre dans le monde des relations économiques entre les deux pays. Par ailleurs, nous sommes très confiants pour l’avenir de notre organisation et très heureux de savoir que les autorités algériennes ne ménagent aucun effort pour collaborer avec le CDCA, comme en témoignent les nombreuses audiences qui nous ont été accordées par pas moins de six ministres différents, de grands chefs d’entreprise et autres personnalités économiques et financières.

VOTRE MISSION DE METTRE EN RELATION LES HOMMES D’AFFAIRES DES DEUX PAYS EXIGE BEAUCOUP D’EFFORTS.
COMMENT PROCÉDEZ-VOUS DANS CE CAS DE FIGURE ?
La principale difficulté à laquelle nous faisons souvent face est due au fait que la communication nous fait toujours défaut. Je m’explique : vous savez que nous comptabilisons à notre actif déjà deux grosses missions et pas des moindres. Tout d’abord, c’est la partie algérienne qui a fait le premier pas, le Forum des chefs d’entreprise s’est déplacé avec un panel d’opérateurs ergonomiques au Canada sous la conduite de son président Ali Haddad, et par la suite, c’était au tour des Canadiens de répondre à cette première visite des Algériens. Les hôtes de l’Algérie ont tenu à marquer leur présence par une délégation de femmes d’affaires canadiennes. L’ensemble des deux missions ont eu lieu au cours de 2017, sous le slogan ‘’Partenariat et exportation’’. Les deux rencontres ont
été couronnées d’un grand succès suite aux impressions des hommes d’affaires des deux pays. La preuve est que cela s’est soldé par la mise en oeuvre de contacts positifs pouvant conduire à des projets de partenariat. Pas seulement, puisque je vous
annonce que désormais les choses vont passer à la concrétisation de projet dans le cadre du partenariat algéro-canadien. Pour revenir à votre question, la difficulté majeure reste celle de véhiculer une information de qualité aux entreprises canadiennes et
vice versa concernant les opportunités d’affaires. Pourquoi ? Parce qu’il faut savoir que pendant les 20 ou 30 dernières années, le Canada a concentré tout son système relatif aux échanges commerciaux avec son voisin du Sud, c’est-à-dire, les Etats-Unis. Toutefois, cette option est en train de changer et c’est cette opportunité que nous devons saisir.
Comment ? En présentant à nos amis canadiens une information qui va les rassurer et qui leur permettra d’avoir une image de bon partenaire.
D’ailleurs, au sein du CDCA, nous accordons un intérêt particulier au développement d’une politique de communication la plus performante qu’elle soit.

QUELS SONT LES DOMAINES D’AFFAIRES DANS LESQUELS EST POSSIBLE DE CRÉER UN PARTENARIAT GAGNANTGAGNANT ?
Actuellement, le CDCA ne voit pas d’un bon oeil uniquement un secteur d’activité bien précis, au contraire, tout est à prendre. Après plusieurs séances de réflexion communes, nous avons dégagé deux principaux axes de travail, à savoir les mines, l’agriculture et l’agro-industrie.
Pour les mines, l’Algérie, de par sa position stratégique de premier pays africain en termes de superficie, ce qui veut dire d’immenses ressources naturelles inexploitées. Pour ce même secteur, le Canada est le leader mondial dans le domaine de l’investissement, mais également dans la technologie et le savoir-faire minier.
Alors, nous avons d’un côté, un pays africain probablement le plus riche au monde en ressources minières et d’un autre, le Canada qui jouit d’une compétence avérée détenue par les cadres de ses compagnies.
C’est dans ce contexte, que nous prévoyons d’organiser probablement au mois de novembre prochain un déplacement d’une délégation de chefs d’entreprise du secteur minier canadien. Elle sera constituée d’explorateurs, d’investisseurs, de sociétés de services ou d’engineering, mais aussi de cabinets d’avocats et de financement. Il seront regroupés en un comité de travail qui va
les regrouper afin de collaborer directement avec les responsables de holding minier Manadjim El Djazaïr (Manal), du ministère de l’Industrie et des Mines, du ministère des Affaires étrangères, et tout cela grâce à la mission effectuée en février 2017 à Alger durant laquelle nous avons été invités, personnellement, par M. Yousfi à venir discuter à Alger. Dans le volet agriculture, vu l’immensité du territoire algérien, en dépit d’un climat plus ou moins semi-aride, il existe beaucoup de potentiel de développement agricole, ajoutons à cela la volonté des autorités à aller de l’avant pour booster ce secteur stratégique de l’économie. Vous avez certainement constaté chez les commerçants installés au niveau du quartier où nous nous trouvons que les produits agricoles algériens sont bien présents sur les étals. Ce qui signifie que nous allons encore oeuvrer davantage à dynamiser l’exportation algérienne et accroître, par la même occasion,cette proportion de fruits et légumes partout au Canada. Toutefois, pour atteindre une croissance dans l’export,
il est nécessaire de mieux faire en termes de productivité agricole en Algérie. Encore une fois, le Canada est incontestablement un pays qui excelle, notamment dans la production agricole, en occupant le premier rang mondial dans l’exportation des céréales et du reste, il possède une expertise particulière dans la pratique de l’élevage comme la production laitière. L’Algérie ne peut que profiter
de cette expérience ; d’ailleurs, pour le moment, elle reste l’un des plus importants importateurs de ces deux denrées alimentaires. Il y a beaucoup à travailler avec les fermiers canadiens pour améliorer un tant soit peu la sécurité alimentaire de l’Algérie. A nos yeux, c’est un enjeu qui reste prioritaire et nous faisons en sorte que le gouvernement algérien sache que nous sommes très disposés à l’aider dans ce sens.

DE MANIÈRE PLUS DIRECTE, LES INVESTISSEURS DES DEUX PARTIES SONT-ILS DISPOSÉS À CRÉER DES SOCIÉTÉS MIXTES DANS CETTE BRANCHE DE L’ÉCONOMIE ?
Effectivement, il existe quelques entreprises algériennes qui ont exprimé leur souhait de travailler dans cette direction, néanmoins le
problème qui peut émerger à l’avenir c’est le fait qu’un producteur risque de perdre un client du jour au lendemain.
Au niveau du CDCA, nous avons évoqué cette situation hypothétique sachant que le risque zéro n’existe pas dans le business. Seulement, le message que nous avons transmis à la partie canadienne toutes structures confondues est que le gouvernement
algérien est déterminé à faire évoluer sa production nationale avec ou sans le Canada. Nous leur avons parfaitement expliqué que de toutes les manières, ils n’ont aucun intérêt à rester observateurs, tout en constatant que leurs exportations ne progressent pas. Aussi, n’est-il pas judicieux de collaborer avec les Algériens en ramenant leur savoirfaire pour produire et répondre aux besoins domestiques locaux et ensuite exporter ensemble, selon le principe du gagnant-gagnant.

PROCHAINEMENT, IL SERA ORGANISÉ UNE SEMAINE DE DÉGUSTATION DES PRODUITS AGRICOLES ET AGROALIMENTAIRES ALGÉRIENS AU CANADA. COMMENT APPRÉHENDEZ-VOUS CET ÉVÉNEMENT ?
Aujourd’hui, nous sommes en pleine phase de montage logistique de ce projet de mission, nous avons enregistré un minimum d’entreprises qui sont vivement intéressées de participer pour présenter leurs produits, à l’image du fromage, des dattes, de l’huile d’olive et des olives, des figues, des produits carnés sans oublier les semoules et les pâtes alimentaires. Cette sélection de variétés de produits a été décidée par nos membres algériens pour la simple raison que ce sont des opérateurs qui possèdent déjà un capital
expérience dans l’acte d’exporter, ils maîtrisent bien le marché de l’export et des produits qui se distinguent par rapport à d’autres. Cela ne veut pas dire que les nouveaux investisseurs dans l’agriculture et l’agroalimentaire n’ont pas leur place dans cette mission, au contraire, le CDCA leur ouvre grandes les portes de ce rendez-vous pour tester leurs nouveaux produits. Vous savez, c’est beaucoup plus une opération de charme d’envergure raisonnable et nous l’envisageons comme un premier ballon d’essai. D’autre part, notre but est de tenter d’attirer les citoyens canadiens pour les mettre en contact direct avec les producteurs algériens et leur faire découvrir les saveurs de nos produits agricoles.
Pour la date de l’organisation de cette foire de dégustation, nous envisageons de la tenir à la fin du mois d’octobre, ce qui nous laissera le temps de bien peaufiner les moindres détails de cette mission.
Hormis cette fête de dégustation, nous prévoyons en parallèle des conférences et des B to B afin de faire rencontrer des participants algériens avec des responsables de grandes centrales d’achat canadiens.
Dans cette perspective, nous avons entrepris des démarches avec notre partenaire local TFO Canada qui est un excellent développeur des activités d’exportations et qui n’est autre qu’une ONG qui aide les exportateurs potentiels des pays émergents à mieux exporter leurs produits principalement vers le Canada et ailleurs.

QU’EN EST-IL DES POSSIBILITÉS D’INSTALLATION DES OPÉRATEURS ÉCONOMIQUES ALGÉRIENS SUR LE SOL CANADIEN ?
Oui, le Canada a toujours était une terre d’accueil, c’est incontestable.
Aujourd’hui, beaucoup de producteurs algériens exportent leurs produits partout dans le monde et se sont établis dans les pays où ils activent.
Toutefois, il faut des critères dont la capacité, les compétences, les ressources ; notre rôle est de leur servir de pont pour qu’ils fassent connaître leurs produits, d’où l’organisation de la foire de dégustation. Il est vrai que tout investisseur doit se préparer à l’inconnu dans son aventure commerciale, surtout en terre étrangère. Cela étant, le CDCA ne peut qu’encourager les grands groupes de production d’intégrer le Canada et ce sont ceux-là qui vont ouvrir les portes aux autres. Nous invitons les entreprises qui présentent des ressources et des compétences établies à venir au Canada et nous sommes entièrement disposés à les accompagner dans toutes leurs démarches, selon les principes de nos missions pour lesquelles le Conseil de développement Canada-Algérie a été créé.

Source: Le magazine économie algérien Dziri